SANTÉ - C'est un petit article de loi au détour de la longue discussion annuelle du budget de la Sécu qui a vendu la mèche. À l'automne dernier, la ministre de la Santé Agnès Buzyn avait répondu à la droite, qui moquait l'absence de réforme de structure, en annonçant l'expérimentation de nouveaux modes de rémunération des actes médicaux, particulièrement à l'hôpital. Ce n'était bien sûr pas encore la révolution attendue par certains (seulement 30 millions d'euros sont consacrés à ces tests), mais une première ébauche de réponse à la crise qui touche les établissements français et que le hashtag #BalanceTonHosto avait mise en évidence.
Trois mois et demi plus tard et alors que le malaise des personnels soignants est loin d'avoir faibli, Édouard Philippe l'accompagne dans un hôpital du Val-d'Oise pour présenter "une stratégie de transformation de l'offre de soins" censée répondre à ces problèmes. "Le gouvernement souhaite engager une transformation en profondeur de l'ensemble de l'organisation et du fonctionnement du système de santé", explique Matignon.
L'un des maux a été identifié de longue date (dans un contexte où les paramètres économiques et budgétaires ont parfois pris le pas) et rares sont encore les défenseurs de cette réforme lancée au milieu des années 2000. Nom de code T2A. La tarification à l'acte a été lancée pour répondre à un dysfonctionnement majeur du financement des hôpitaux. Depuis les années 80, les centres hospitaliers étaient financés par une dotation globale de l'État qui était revalorisée chaque année dans les mêmes proportions pour tous, sans tenir compte de l'évolution de son activité.
"Plus l'activité est soutenue, plus l'hôpital gagne de l'argent"
Au pouvoir, la droite a donc entrepris un virage en décidant de doter les établissements en fonction du nombre d'actes qu'ils accomplissaient. "Plus l'activité est soutenue, plus l'hôpital gagne de l'argent, exactement comme dans une entreprise", fait valoir dans L'Opinion l'économiste Jean de Kervasdoué, l'un des architectes de la T2A.
Mais cette logique comptable portait en elle les germes d'une maladie dont le symptôme principal est le ras-le-bol du personnel soignant. Car en rémunérant les hôpitaux à l'acte, cette T2A a conduit les médecins à augmenter la cadence, à réduire la durée des consultations, voire à prescrire des soins à l'utilité douteuse.
Problème dans le même temps: l'enveloppe globale destinée au financement des hôpitaux n'a pas augmenté, entraînant donc une baisse du tarif des actes pratiqués. "Les critiques s'expriment avec d'autant plus de force que la T2A, simple méthode d'allocation des ressources aux établissements, s'est mise en place dans une période où le montant global des ressources attribuées aux établissements –l'ONDAM hospitalier voté par le Parlement- a été particulièrement contraint notamment depuis 2010, exigeant du système hospitalier d'importants progrès de productivité", notait début 2017 le député PS Olivier Veran (désormais l'un des spécialistes Santé de la majorité macroniste) dans un rapport remis à la ministre Marisol Touraine.
"On est au bout d'un système", résume André Grimaldi, un professeur émérite d'endocrinologie-diabétologie à la Pitié Salpêtrière signataire d'une tribune aux côtés d'un millier de médecins. Lui aussi y allait de sa comparaison. "Imaginez une grande surface à qui l'on dit 'il faut vendre de plus en plus' mais plus vous vendez et plus on baisse les prix", disait-il en janvier sur France Inter.
Voilà donc pour le constat. Mais reste à savoir quelle direction le gouvernement veut prendre. Une chose est certaine: un retour à la dotation globale, tel qu'elle existait dans les années 90, n'est pas envisagé. Il n'est pas non plus envisagé de pousser plus loin la libéralisation pour emmener l'hôpital -comme le professeur Grimaldi le craint- vers un statut de "clinique commerciale".
Bientôt des forfaits?
Édouard Philippe et Agnès Buzyn doivent donc réfléchir à un entre deux qui mettra, quoi qu'il arrive, des mois à être présenté. Pour des actes ponctuels, la tarification à l'activité restera une solution. "Parmi les centaines de personnes entendues, aucune n'a remis en cause la T2A pour les activités standardisées", écrivait ainsi Olivier Veran dans son rapport.
Certains aimeraient tout de même aller vers un paiement au "parcours de soin" qui engloberait des soins post opératoires pas forcément réalisés à l'hôpital. Dans le cas d'une prothèse de hanche, un forfait serait payé, comprenant une visite en amont, l'opération à l'hôpital puis des séances de kiné faites en ville.
L'autre problème concerne les pathologies chroniques dont la prise en charge est de plus en plus importante. Plutôt que facturer chacune des consultations ou chacun des actes médicaux, l'idée d'un forfait annualisé commence à faire son chemin; la prise en charge de telle maladie serait facturée et remboursée la même somme quel que soit le nombre d'actes réalisés.
"L'idée d'expérimenter des alternatives au tout T2A est largement partagée par les professionnels de santé comme par les agences de l'État", concluait Olivier Veran. Un an après la remise de son rapport, il a largement de quoi inspirer sa majorité.
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